OBR Martin Keruzoré ‘Les langues se délient.’

La navigation sous les tropiques ça détend. Les langues se délient, cela favorise le dialogue et les échanges sur le pont du bateau rouge. Depuis quelques jours maintenant, le vent et les vagues se font plus discrets et c'est une porte ouverte aux histoires, aux anecdotes ou légendes en tout genre à bord du Volvo Ocean 65.

Il doit y avoir des oreilles qui sifflent en métropole, en particulier du côté de Port-La-Forêt ou Lorient autour du circuit Figaro ou encore de la classe IMOCA. Nous avons des maîtres en la matière à bord, des ténors, impossible de comptabiliser le nombre de participations à La Solitaire Figaro ou encore le nombre de Transat Jacques Vabre que cette coque de carbone transporte.

Aujourd’hui nos marins d’exception nous livrent les ragots et bruits de pontons jusqu’aux Iles Salomon. On se remémore les derniers milles au large de Dieppe, coincé dans la pétole tandis que le second peloton arrive avec de la brise et met au final un caramel au groupe de tête. On épilogue sur certains passages un peu chauds en mer d’Irlande, on revit les problèmes de stickers sur Concorde assurance et Sebago grâce à notre Pascal Bidégorry national. Les mauvais choix météo, un pot au noir mal négocié ou encore les bons coups de rase cailloux reviennent aussi en tête de liste.

Les heures de quarts se transforment en déversoir de passion et d’histoire, on écoute et on rit. On pourrait rester des heures ici, assis sur une voile, sur un winch, à s’enivrer de cette culture. S’il fallait dessiner un nouveau bateau avec comme architectes nos seuls marins du bord, Picasso aurait de la concurrence. Les idées volent, les concepts fusent, ça développe et ça y va de son hypothèse, les cerveaux fument, un vrai laboratoire à ciel ouvert. Mis bout à bout, les expériences de chacun à bord permettraient de créer un véritable monstre de la course au large.

On pourrait y passer du temps à rêver si le vent arrêtait ses caprices, ce vent oscillant qui ose nous interrompre en plein milieu d’un dessin de foil ou d’une énième victoire de La Solitaire, pour nous ramener au présent, nous ramener à notre Pot-au-Noir à nous sur cette Volvo.

A bord, ils furent concurrents et adversaires mais c’est en partie une bande de copains, des amis, ayant une histoire et avant tout une passion commune.

Martin