Le Cap Horn dans trois jours

Un Grand Sud comme dans les livres, hostile, violent, avec ce vent glacial qui siffle en continue dans les haubans.

Les marins de la Volvo Ocean Race poussent fort, au cœur d’un combat de tous les instants à trois jours du Cap Horn (ETA jeudi 29 mars, deuxième partie de journée en GMT). Mais en approche du continent américain, le vent de Nord-Nord-Ouest va accélérer, dévalant la côte chilienne à 40-50 nœuds et soulevant des vagues qui pourraient avoisiner les 8-9 mètres. A bord de Dongfeng, actuellement troisième à 36 milles du leader Team Brunel, le skipper français Charles Caudrelier et son équipage s’appliquent à préserver le bateau et les hommes. Avec une mer impraticable au Nord et la zone d’exclusion des glaces dans leur Sud, l’équipage se fraie un passage prudent mais efficace, plaçant avec précaution chacun des empannages jusqu’à la porte de sortie…la délivrance du Cap des Tempêtes.


« Nous allons avoir du vent très fort dans les heures à venir, » confie le skipper. « Il faut donc trouver la bonne limite et il y aura probablement de grandes différences de vitesse entre les bateaux. Gagner dans ces conditions n’est pas facile - le but est de ne pas casser le bateau ni les gars. Vous avez la responsabilité de tout ça et vous devez vous battre pour la première place. C’est donc un équilibre pas facile à trouver entre vitesse et sécurité. »

Impressionnant en effet car, malgré les conditions météorologiques épouvantables, la flotte continue de glisser vers le Cap Horn avec une intensité non diminuée. Le bateau néerlandais Team Brunel, skippé par le vétéran Bouwe Bekking (avec le Français Thomas Rouxel à bord) est en tête bénéficiant d’un avantage de 31 milles sur Vestas 11th Hour Racing de Charlie Enright. Mais les quatre bateaux suivants se tiennent en moins de 14 milles, et Dongfeng pointe en troisième position.


Jouer gros à chaque manœuvre

« Nous sommes au portant et nous avons beaucoup d’empannages à faire et c’est la partie la plus difficile car empanner dans ces conditions, c’est juste un cauchemar. » En effet, la clé est d’exécuter ces délicates manœuvres sans endommager le gréement. Déjà à bord MAPFRE, le principal rival de Dongfeng au classement général de la course, l’équipage espagnol de Xabi Fernandez avouait avoir quelques dommages mineurs sur le rail de mât qui attache la grand-voile au gréement. Contraint de ralentir, MAPFRE est passé de la tête de la flotte à la sixième place.


Des rafales possibles à 60 nœuds

Dans les derniers 200 à 300 milles vers la mythique pointe, tous les équipages seront susceptibles d’être en ‘mode survie’ lorsque, pour quelques heures au moins, la compétition passera au second plan. Une dépression particulièrement active butte contre l’Amérique latine. Un vent de Nord-Nord-Ouest pourrait atteindre les 40 à 50 nœuds, avec des rafales possibles à 60, s’accompagnant d’une mer désordonnée de 8-9 mètres. Des conditions qui obligeront les marins à mettre la course entre parenthèses.

« Là on a déjà un petit 24 heures sportif (40 nœuds fichier actuellement) et, après, nous allons avoir un deuxième morceau qui sera beaucoup plus coriace pour le Horn, » explique le navigateur basque Pascal Bidégorry. « On se rend bien compte qu’ici, le vent est de plus en plus lourd… Le bateau part déjà en surf à plus de 30 nœuds… C’est assez impressionnant. J’avoue qu’il y a des petites secondes où tu te tiens à quelque chose en croisant les doigts. Il faut faire gaffe car si l’étrave plante et bien tu traverses le bateau et tu peux aller taper quelque part… Il faut faire attention à n’abîmer personne et s’appliquer à naviguer le plus rapidement possible mais en sécurité. »

Cela signifie un engagement physique total de la part des équipiers dont les ressources sont sollicitées au plus profond des corps. Dans ces conditions, toutes les mains sont nécessaires sur le pont pour gérer les changements de cap et de voilure. En plus de l’équipement de mauvais temps, les sept hommes et deux femmes du bord ajoutent toutes les couches qu’ils peuvent trouver avec des gants et des casques avec visière pour se protéger de l’eau glacée qui dévale en cascade, nuit et jour, le pont de Dongfeng.