SENS #3 - ‘Les marins aveugles’ par Jérémie Lecaudey OBR

Vous avez entendu parler des chats qui voient la nuit. Et bien les marins aussi ont leur propre vue bionique, ils peuvent sentir l’océan la nuit. Ils pourraient littéralement fermer les yeux et surfer les vagues jusqu’à ce qu’on arrive à Newport. Ils continuent de checker le cap et écoutent le navigateur au cas où leur route ne serait pas la plus optimale.

Aller d’un endroit où il fait très sombre vers un autre très lumineux n’a jamais été une bonne combinaison, surtout après plusieurs heures de sommeil, lorsque tu te traces pour aller pisser. Tu finis bien souvent aveuglé, les yeux qui pleurent.

Si vous avez vu nos vidéos, nous expliquons l’importance de la lumière rouge la nuit. Vous pouvez aveugler le barreur et l’équipage en leur pointant une lampe torche dans les yeux, tandis que la lumière rouge n’attaque pas autant votre rétine ; elle est donc de mise sur le pont. Cela dit, rien n’est plus puissant qu’une torche de lumière blanche, c’est pourquoi ils l’utilisent pour vérifier les réglages des voiles - elle atteint les 30 mètres de haut - jusqu’à ce qu’ils trouvent le bon, avant que le barreur ne s’en mêle…

Un jour normal à 20 noeuds, tu te prends des éclaboussures d’eau salée toutes les 15 secondes, ce qui transforme le bateau en un immense jacuzzi. L’atmosphère qui en résulte est pleine de particules d’eau qui explosent les yeux. Portez vos lunettes de soleil et priez pour l’invention des lunettes équipées d’essuie-glace.

Il y a un film concernant l’histoire de McDonald’s qui ne nomme “Le Fondateur”. Un moment ils montrent le héros tentant de trouver une solution pour organiser la cuisine de son restaurant, afin qu’il puisse y préparer le meilleur burger le plus rapidement possible. Tu te demandes pourquoi les marins n’en font pas de même à terre, pratiquant les empannages, à l’aveugle dans le Volvo Ocean 65 pour répéter les mouvements de chaque manoeuvre jusqu’à ce que cela devienne leur sixième sens. La réponse, du moins je l’imagine, est qu’il n’y a aucune manoeuvre redondante sur un bateau… du moins pas sur la Volvo Ocean Race.

Jérémie Lecaudey