Dongfeng deuxième au Brésil, le classement chamboulé

"Cette deuxième place est une bonne chose, cela nous permet de revenir sur MAPFRE au classement général et peut-être même de passer en tête de la course…on ne le sait pas encore. Nous avions beaucoup de frustrations et voir que tout est relancé est motivant," Charles Caudrelier

Après 14 000 kilomètres (7 600 milles) et 16 jours d’une course épique et tragique entre Auckland et Itajaí, la septième étape de la Volvo Ocean Race s’est terminée dans les petits airs brésiliens. Malgré des équipages et des bateaux éprouvés, le coude à coude qui s’est joué cet après-midi entre Team Brunel de Bouwe Bekking et Dongfeng de Charles Caudrelier avait l’intensité d’une régate à la journée. Aucun n’a lâché prise. Jusqu’au bout, chacun est resté calme et concentré pour aller chercher ce petit supplément d’air qui offrirait une première victoire d’étape sur la course. Et la victoire est revenue aux Néerlandais de Brunel qui ont mené quasiment toute l’étape, passé le Cap Horn en tête et franchi la ligne d’arrivée à 14h45’18’’UTC. L’équipe chinoise est passée à 15h00’08’’UTC, soit seulement 14 minutes et 50 secondes plus tard.

Au classement général, c’est le grand chambardement. En raison d’une avarie de rail de mat et de grand-voile, le leader MAPFRE navigue actuellement en cinquième position, à plus de 700 milles de l’arrivée. S’il reste à cette place, Dongfeng prendrait alors la tête du classement général provisoire, avec un point d’avance sur les Espagnols. Si ces derniers réussissent à doubler leur proche concurrent, Turn The Tide (à 90 milles devant eux) d’ici Itajai, MAPFRE resterait leader à un point de Dongfeng…réponse dans environ trois jours. Toujours est-il que la Volvo Ocean Race n’est pas jouée alors qu’il reste encore quatre étapes à disputer d’ici l’arrivée à La Haye fin juin.


Rallier la Nouvelle-Zélande au Brésil via la Cap Horn n’aura jamais rien d’anodin. Les visages portent les stigmates de cet intense corps à corps avec une nature violente qui s’est avérée particulièrement cruelle dans le Grand Sud. En effet, cette étape fut sans conteste la plus éprouvante de cette 13e édition de la Volvo Ocean Race. Les marins, leurs familles ainsi que tous les membres des équipes à terre sont très marqués par la perte du britannique John Fisher de l’équipage de Sun Hung Kai / Scallywag, disparu en mer en plein Pacifique le 26 mars dernier. Chacun lui a rendu hommage à sa manière, ici les mots, émus, de Charles Caudrelier quelques instants après la ligne : « Nous sommes bien sûr satisfaits de terminer cette étape avec un bateau en bon état et sans blessés majeurs à bord. Nous félicitons l’équipage de Team Brunel qui a fait une très belle étape et mérite cette victoire (Brunel remonte de la 6e à la 3e place au tableau général). Mais nous pensons tous beaucoup à John Fisher, à sa famille et aux marins de Scallywag. Ils ont été le sourire de cette course, nous avons découvert leur esprit et je pense beaucoup au skipper, David Witt. Nous pratiquons un sport extrême qui comporte des risques et, comme en montagne, le drame peut arriver mais c’est une immense tristesse et en tant que père de famille j’adresse toutes mes pensées les plus sincères aux proches de John. »

Une étape violente

En revenant sur la course, le skipper a confié que son équipage était épuisé mais heureux d’en finir. « Nous nous sentons épuisés, comme tous les marins engagés je pense. Dans le Sud, nous avons fait quelques petites erreurs mais nous avons surtout levé le pied à un moment pour la sécurité. Nous avons perdu du terrain sur Brunel et ils ont vraiment très bien navigué mais je ne regrette pas notre choix. Après le Cap Horn, nous avons tout donné, nous manquions un peu d’énergie parfois, pour autant, nous sommes revenus au contact de Brunel et la victoire était proche. Mais cette deuxième place est une bonne chose, cela nous permet de revenir sur MAPFRE au classement général et peut-être même de passer en tête de la course…on ne le sait pas encore. Nous avions beaucoup de frustrations depuis le début et voir que tout est relancé est motivant.»

Une flotte marquée

Si les deux premiers équipages ont joué leur duel final, le reste de la flotte reste encore loin d’Itajaí. Le second bateau néerlandais de la course, team AkzoNobel de Simeon Tienpont, pointe encore à moins de 250 milles de l’arrivée et est ralenti par un problème de puits de quille.

A 440 milles encore plus au Sud, Turn The Tide on Plastic a repris sa route après avoir réparé un problème sur l’une de ses barres de flèche. Cependant, sa progression vers le Nord demeure bien laborieuse puisque l’équipage de Dee Caffari, comme celui de Xabi Fernandez, est pris depuis hier dans les griffes d’une immense zone anticyclonique.

MAPFRE a également passé une bonne partie de l’étape les yeux rivés sur le mât de son VO65 et les mains dans la colle. En effet, les Espagnols ont dû s’arrêter pendant 12 heures avant le Cap Horn pour réparer le rail de Grand-Voile et la voile elle-même. Et les marins de Xabi bricolaient encore hier, dans la pétole…

Beaucoup plus Sud, aux Malouines cette fois, les compagnons de route de Dongfeng pendant une grande partie de l’étape, l’équipage de Vestas 11th Hour a subi un démâtage vendredi dernier et étudie toujours les différentes solutions logistiques pour rapatrier le bateau et les marins à Itajaí afin de ré-installer un nouveau mât et reprendre la course. Enfin, l’équipage endeuillé de Sun Hung Kai / Scallywag est arrivé au Chili où David Witt et ses proches vont pouvoir prendre le temps de réfléchir à la suite à donner aux opérations.